Souvenirs

La flamme, en décroissant, fait pâlir le flambeau
Qui brûlait ardemment hier et qu'insensés,
Se mouraient mes désirs, presque aussitôt pensés,
Car rien ne paraissait plus loin que le tombeau.

Quand je laisse l’esprit la bride sur le cou,
Je revois ce passé, vers l’ailleurs entrainé,
Et je sens naître en moi des frayeurs sans licou
Qui m’amènent soudain, en ces jours déchaînés.

Heureux soient les enfants dans un monde sans guerre,
Car, même très petits, leur mémoire retient
l'odeur âcre du sang des corps gisant à terre
De ceux qu’ils aimaient tant, hors rien ne les prévient
Qu’il leur faudra grandir avec ce grand mystère.

Où donc la retrouver, quand devenus pensifs,
leur besoin d’écouter dans le vent son murmure,
Ils parlent à "maman", qu’un lourd silence emmure,
Et se sentent si seuls au milieu des récifs !

J’en ai connus alors des orphelins en rang,
Sortant regard perdu sur leurs pauvres bottines,
Le corps emmitouflé dessous leurs pèlerines,
Faire tous les jeudis le grand tour de l'étang.