Vies croisées ( cherchez la lettre absente )histoire A SUIVRE

Vies croisées..


Vies croisées.

Agatha regardait le ciel gris de janvier
Gommer le paysage. En absence de rêve,
Et de projets certains, elle prit ce cahier
Ecrit ce matin-là, sans s’accorder de trêve.

Ce récit spontané, mais sans lendemain,
Imposa ce désir d’inventer l’impossible,
Sans avoir deviné le travail si contraint,
Exigé par le roman et sa fin prévisible.

Ses héros l’emmenaient vers la lande de sable,
Noyant à l’horizon son ocre avec ce ciel,
Et laissant visible la ligne discernable
De l’arrondi donné par ce bel arc-en-ciel.

Personnage rêvé, elle imaginait l’homme,
Mais le parait des traits de son penchant d’été,
Doré comme les blés, mordant dans cette pomme,
Mais la fixant, friand, sans agressivité.

Eve bombant ses seins se faisait insolente,
Et ne détachait pas son regard vert lagon,
Des lèvres englobant la pomme appétissante,
Et ce torse bronzé de bel amphitryon.

Agatha corrigeait sans cesse le récit
Car elle se sentait envahie par le songe
Et s’éloignait alors, laissant là en transit
Ce conte édifié comme l’est le mensonge.

Suite 2

Agatha sillonne le chemin à l’envers
Afin de rattraper ses émois de jadis
Et revoit le port blanc et les palmiers verts
Le sentier l’amenant droit vers son paradis

Elle connaît ce coin, loin des rayons solaires
Derrière les rochers escarpés et saillants
Et le raidillon atteignant le repaire
Protège des regards parfois trop malveillants.

Elle allait s’y cacher après le bain de mer,
Car la pierre de granit séchait sa chair avivée
Frémissante, sensible mais à l’aspect trop clair
De l’estivante très fraichement arrivée.

L’année passée croyant les promesses
De ce garçon hardi l’entrainant à l’écart
Elle avait accepté de sa part les caresses
Trop confiante en ses mains servant de rempart.

Hélas l’endroit désert personne n’entendit
Ces cris désespérés ni même les paroles
Obscènes et abjectes devant l’interdit
Le laissant excité, rempli d’idées folles.

Suite 3

Agatha, combattant l’immixtion des temps
Laissant, malgré les ans la trace indélébile
De cette émotion, stagnant là, en dedans,
S’attache à son récit et devient immobile.

Et bientôt disparait le cadre de la chambre
Car s’immisce déjà l’attrait de ce roman,
Redonnant son éclat à ce cabochon d’ambre,
Brillant entre les seins, étrange talisman.

De sa marche féline, Eve gagne le flot.
Connaissant bien l’effet de ses chevilles fines,
Ses fesses rebondies, étirant le maillot
Et pressent dans son dos des pensées libertines

Sa nage est rapide, semblable à la sirène
Hantant l’opacité des tièdes soirs d’été
De l’éphèbe doré rêvant de mettre en scène
Le corps appétissant tant et tant convoité

La belle, négligeant la simple défiance,
Dépasse la barre des flots effervescents,
Méprisant le danger par trop de confiance
Elle rejoint l’horizon de cobalt menaçant.

Agatha se sent lasse et regarde le ciel,
Elle a écrit longtemps, le soir sombre est tombé,
Car scintille déjà, l’éclat artificiel
Des grands réverbères, faits de verre bombé.

Elle pense à son train-train, si fade et solitaire,
Dans cet appartement, sommaire et encombré
De petits riens, liés à ce triste inventaire,
Et dans ce ramassis elle a vite sombré.

Il fait froid maintenant, le poêle s’est éteint,
Mais descendre à la cave elle n’en a pas envie !
Elle n’a pas mangé et la voilà contraint
A terminer le pain et le reste de brie.

Il y a tant d’escaliers, avant de parvenir
A l’endroit assombri, car privé d’éclairage.
Elle renonce donc, décide de dormir,
Demain il sera temps de faire le ménage.

Les draps semblent trempés, tant il fait froid ici ;
En position fœtale, elle se blottit tremblante.
En cherchant son sommeil, elle est à la merci
De sa vie solitaire et pas très captivante !

Suite 5

Elle a cherché en vain le sommeil et perçoit
Ce pâle soleil blond avivant la croisée
Il lèche le plancher et se loge à l’étroit
Dans l’éclat irisé à travers la brisée

S’évader maintenant parait si essentiel,
Même si elle part accomplir le voyage,
Avec cahier, stylo, car les mots torrentiels
Remplissent son esprit, sans craindre de barrage.

Eve l’attend déjà, dans cette mer immense
Et aperçoit très loin la plage en mince trait.
Trop forte la marée l’entraîne vers le large ,
Fataliste elle sent, la mort et son attrait.

Elle va renoncer, mais dominant le flot
Le bel adonis en se rapprochant d’elle,
A l’aide de ses mains, hisse dans le canot
Eve échappant à l’attirance mortelle.

Suite 6

La prenant dans ses bras, grelottante d’effroi
Il frotte fermement la lisse chair livide .
Exhalant dans son dos il en chasse le froid
Et contemple ces jambes et ce galbé splendide.

Eve se laisse aller, apaisée, confiante,
Et contre ce torse elle va s’abandonner.
Profitant de cette présence radiante
Elle s’endort bientôt cessant de frissonner.

Gardien de son sommeil, discret il la contemple
Admire ce visage, et son tracé charmant
Glisse son regard vers le blanc dont le temple
Limite le bronzage à cet endroit tentant.

Eve inconsciemment ressent cette attention
Ses seins et son ventre à l’océan ressemblent
Elle croit à l’instant à cette relation
De ce rêve secret et ses lèvres en tremblent.

Suite 8

Agatha, a remonté trois gros brocs de charbon,
Le café bien serré passe, et se dore le pain,
Ronronne la flamme et le potage sent bon,
Il en restera bien trois assiettes demain.

Concernant son roman, la trame est spontanée,
Ses personnages, en fait, tracent en son esprit
La ligne maitresse, car reste instantanée
Cette envie d’écrire, sans le moindre répit.

Elle attend en rêvant la première vision,
Espérant étayer, de façon attachante,
Cette histoire encore en pleine éclosion,
Car la personne d’Eve est vraiment attachante..

Elle la voit venir, nimbée de soleil d’or,
Et s’avancer vers l’homme, allongé à la plage.
Hier il l’arrachait des griffes de la mort,
En bravant les flots, sans en tirer avantage

Rose d’émotion, Eve lève sa main,
Et se dirige vers cet homme si intrépide,
Ayant tenté cet exploit, tellement incertain,
Sans penser à sa vie, en restant impavide.