Je suis cet embryon

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POUR MURMURES




JE SUIS CET EMBRYON

Je suis cet embryon qui ondule dans l’eau.
Je perçois tous les bruits comme à travers du verre,
Ma chair est maintenant de moins en moins légère,
J’ai grandi lentement, comme un petit roseau.

J’ai de mon paradis aucune conscience
Tout m’est offert ici car, en toute candeur,
Je me sers goulûment dans cette profondeur
Des nutriments parfaits sans nulle impatience

Une peau de satin, de mes pieds à mon front,
Recouvre tout mon corps, réceptacle de l’âme.
Rien ne m’est refusé, jamais je ne réclame
Tant je suis bien ici, dans le chaud du giron.

Du ciel antérieur, où ne font que survivre
d’obscures notions d’une toute autre chair,
J’ai des cheveux cuivrés et son regard très clair
Mais ne sais rien de plus ; s’est refermé le livre.

Depuis quelques instants je vis le grand secret
De ces heures qui vont m’offrir la terre entière.
Je me sens à l’étroit et, la tête première,
Je rampe éperdument, enfin vers le concret.

Qu’est ce qui m’attend là bas dans la lumière verte,
De cet éblouissant matin aux bords laiteux,
Mais les sons que j’entends ne sont plus cotonneux
Et dans des langes blancs me voici recouverte

Je ne suis plus qu’un pion, sur l’échiquier du temps !