le grand Charles ...
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le grand Charles ...
laissez votre imagination vagabonder en revoyant LE GRAND CHARLES devant TANTE YVONNE.
Bonne lecture !
La colère du Général ou La diatribe du grand Charles
La scène se passe au paradis :
Sur un petit nuage Yvonne tricote, assise sur un pliant.
Elle voit arriver le général, titubant, la mine défaite, prêt à défaillir.
Après quelques pas, il s’effondre à ses côtés dans un fauteuil (ou un transat)
Yvonne :
> > >
Depuis que de Saint Pierre vous eûtes permission
> > >
De retourner sur Terre ausculter la Nation
> > >
Sur ce petit pliant j’attends votre venue...
> > >
Mais je lis dans vos yeux une déconvenue !
> > >
Parlez-moi sans tarder de celle qui toujours
> > >
Fut jadis avec moi l’objet de vos amours...
Le général :
> > >
Vous voulez dire France à qui j’ai voué ma vie,
> > >
Ne cachons point son nom ! Je vous sais gré, Mamie
> > >
(Malgré les embarras, les peines, les tracas
> > >
Qu’elle a pu vous donner et dont je fais grand cas !)
> > >
Pendant aussi longtemps de l’avoir tolérée.
Yvonne :
> > >
Eh bien ?
Le général :
> > >
Eh bien Madame, elle est défigurée !
Yvonne :
> > >
Charles, je compatis, c’est une peine extrême
> > >
De voir les traits meurtris d’une femme qu’on aime
> > >
Elle a vieilli sans doute...
Le général :
> > >
Oh, ce n’est pas cela !
> > >
Il m’en faudrait bien plus pour être en cet état.
> > >
Je ne m’attendais pas à la revoir pucelle !...
> > >
Mais on peut décliner… sans cesser d’être belle !
> > >
Si le corps en hiver n’est plus à son printemps
> > >
L’âme de l’être aimé sait résister au temps !
Yvonne :
> > >
C’est donc son âme ?
Le général :
> > >
Hélas ! Si je n’étais au ciel
> > >
Près de vous, à l’abri des chocs existentiels
> > >
Ce que j’ai vu m’aurait donné le coup de grâce !
Yvonne :
> > >
Mais qu’avez-vous donc vu ? Vos silences me glacent !
Le général :
> > >
France, mère des Arts, des Armes et des Lois...
> > >
Ô Dieu, l’étrange peine ! Et quel affreux émoi !
> > >
Quelle désillusion, quelle désespérance,
> > >
De revoir sa maitresse en telle déshérence !
Yvonne :
> > >
Mais encore, précisez… je reste sur ma faim !
> > >
Vous me turlupinez ! Qu’avez-vous vu enfin ?
Le général :
> > >
J’ai vu, j’ai vu, Oh ciel ! J’ai vu... Comment vous dire...
> > >
Comment bien s’exprimer quand on a vu le pire ?
> > >
J’ai vu le Titanic s’abîmer dans les flots
> > >
Et son grand timonier repeindre les hublots !
> > >
J’ai vu un président, la cravate en goguette,
> > >
L’air niais, regard flou et la mine défaite,
> > >
Un casque sur le chef, juché sur un scooter !
> > >
(On avait dû lui dire : il faut sortir couvert !)
> > >
Vous voyez le tableau ! Oh, madame, j’ai honte
> > >
De certifier pour vrai tout ce que je raconte !
> > >
C’est la chienlit, vous dis-je et pas qu’en les faubourgs !
> > >
Comme ce fut le cas quand nous jouissions du jour
> > >
Mais dans le Saint des Saints, au cœur de l’État même
> > >
Où tout devrait baigner dans un accord extrême.
> > >
J’ai vu des gouvernants qui ne gouvernent rien…
> > >
Et un peuple hébété les traiter de vauriens !
> > >
J’ai vu des ministrons se tirer dans les pattes
> > >
Plus divisés entre eux que ne sont les Carpates !
> > >
J’ai vu, comme jadis, tous ces «politichiens»
> > >
Se disputer leur os, hargneux comme des chiens.
> > >
J’ai vu dans la maison où j’ai régné dix ans
> > >
Un orchestre amateur gratter ses instruments
> > >
Dans la cacophonie ! Et dans ce grand bazar
> > >
Le moindre palotin se prendre pour César :
> > >
L’un fraîchement nommé, jouant les petits saints,
> > >
S’exonérer d’impôts et trouver ça très bien !
> > >
L’autre, obscur conseiller, quérir à son de trompe
> > >
Un larbin stipendié pour lui cirer les pompes !
> > >
Geste surréaliste au temps qui fut le mien !
> > >
Mais j’allais oublier, et là, tenez-vous bien !
> > >
Pour couronner le tout, j’ai vu, (serrez les cuisses !)
> > >
Le gardien du budget planquer son fric en Suisse !
Yvonne :
> > >
N’êtes-vous point sévère avec ces jeunes gens
> > >
Tout fiers d’avoir acquis un certain entregent ?
> > >
Ces nouveaux Rastignac jadis vous faisaient rire
> > >
Et ne vous mettaient pas dans une telle ire !
> > >
Nous connûmes souvent et du temps de nos rois
> > >
Nombre de grands coquins qui s’exemptaient des lois
> > >
Et même pour certains sombraient dans la débauche !
Le général :
> > >
Mais aucun de ceux-là ne se disait de gauche !
> > >
Alors que ces pignoufs, sinistres polissons,
> > >
Se pavanent le jour en donnant des leçons !
> > >
Je me suis renseigné sur l’histoire récente
> > >
Pour comprendre un peu mieux ces façons indécentes,
> > >
Et qu’ai-je appris Grand Dieu ?... Mille calamités
> > >
Sur un gouvernement qui semble tout rater !
> > >
Depuis plus de deux ans, on s’agite, on spécule !
> > >
Ce qu’on avance un jour, ensuite on le recule,
> > >
Dans un rythme effréné qui donne le tournis…
> > >
Ça n’est plus du tango, c’est danse de Saint Guy !
> > >
Le peuple abasourdi par ces folles pratiques
> > >
Ne voit pour l’avenir que funestes musiques !
> > >
Il s’agite à son tour, ployant sous les impôts,
> > >
Résiste à tout diktat, discute à tout propos,
> > >
Tire à hue et à dia et renverse la table !
Yvonne :
> > >
Un peuple ingouverné devient ingouvernable !
Le général :
> > >
Je confirme et j’illustre, écoutez bien ceci,
> > >
C’est un tableau d’en bas que je vous fais ici :
> > >
A-t ’on pris décision dans les formes légales
> > >
Que l’on voit illico se former des cabales !
> > >
L’un met un bonnet rouge et l’autre un bonnet vert
> > >
En prétendant agir au nom de l’Univers !
> > >
Quelques illuminés ou quelques fous furieux
> > >
Hurlent en vomissant des slogans injurieux,
> > >
Pillent les magasins, éructent, gesticulent,
> > >
Cassent trois abribus !... Et le pouvoir recule !!!
Yvonne :
> > >
Mais que fait la Police et que font les Gendarmes ?
Le général :
> > >
Le moins possible hélas ! Ils ont du vague à l’arme !
> > >
Car si par aventure on coffre un malfaisant
> > >
C’est la Garde des Sceaux qui porte les croissants !
> > >
Les socialos naïfs rêvent dans les nuages,
> > >
Se bercent d’illusions dans leurs lits d’enfants sages !
> > >
Confrontés au réel, ancrés dans le déni,
> > >
Ils sont tout étonnés quand ils tombent du nid !
> > >
Les jeunes snobinards, que bobos on appelle,
> > >
Vitupèrent la droite en faisant bien pis qu’elle !
> > >
Les tribuns de la plèbe agitent leurs grelots :
> > >
L’un veut saigner Neuilly pour nourrir le prolo,
> > >
L’autre clame à grands cris qu’il faudrait tout secouer
> > >
En virant les négros, les bicots, les niaquoués !
> > >
Et les deux réunis proposent des programmes
> > >
Qui traduisent à plat leur encéphalogramme.
Yvonne :
> > >
Mais où sont les anciens ? Gaullistes et Cocos !
> > >
Qui, eux, savaient pousser de grands cocoricos !
Le général :
> > >
Leur QG moscovite ayant pété les câbles,
> > >
Les Cocos d’autrefois sont quasi introuvables !
Yvonne :
> > >
Bonne nouvelle, au gué ! Tout espoir n’est pas mort !
> > >
Souvenez-vous du temps où ils étaient si forts !
> > >
Plus de Rouges enfin, en travers de la route !
> > >
Mais la race est teigneuse... il en reste, sans doute ?
Le général :
> > >
Oui, vous avez raison, ce sont de grands pervers...
> > >
Les derniers survivants se font repeindre en vert !
> > >
Quant à nos vieux amis gaullistes de baptême,
> > >
On fleurit leur logis, avec des chrysanthèmes...
> > >
C’est leurs petits-neveux qui piaillent à présent,
> > >
Et se bouffent le nez pour occuper leur temps !
> > >
L’un d’eux, le plus remuant, habile en artifices
> > >
Se débat aujourd’hui dans les Cours de Justice.
> > >
Je crains pour mon malheur, avoir œuvré en vain,
> > >
Mon costume est trop grand pour habiller ces nains !
Yvonne :
> > >
Oubliez tout ceci, laissons la politique
> > >
Qui vous fait enrager et tourner en bourrique.
> > >
Parlons d’autres sujets plus gais et plus légers,
> > >
Des lieux que j’ai connus... Paris a-t’il changé ?
Le général : (redevenant plus calme)
> > >
Heureusement, pas trop. On reconnait la ville,
> > >
J’ai pu me promener jusqu’à St Louis en l’île.
> > >
Pompidou, un peu snob, pour marquer son séjour,
> > >
Fit une usine à gaz au quartier de Beaubourg.
> > >
Giscard n’a rien cassé… c’est déjà quelque chose !
> > >
Mitterrand l’a suivi tenant au poing sa rose !
> > >
Mais lui, plus mégalo, se croyant pharaon
> > >
S’est plu à imiter le roi Toutankhamon.
> > >
Il sema pyramide aux parterres du Louvre,
> > >
C’est l’Égypte à présent qu’en ces lieux on découvre !
> > >
Chirac, plus primitif, a voulu, quai Branly,
> > >
Honorer les Dogons, les Peuls, les Chamboulis
> > >
À leur art, dit premier, il a su rendre hommage,
> > >
Le monument s’efface au milieu des feuillages...
> > >
Je n’ai pas retrouvé les halles de Baltard
> > >
À leur place un chantier avait pris du retard.
> > >
Et quant à l’Élysée où vous fûtes naguère,
> > >
Ce n’est plus un palais… c’est une garçonnière !
> > >
J’ai même cru comprendre, en lisant leurs canards,
> > >
Que peu s’en est fallu qu’il fût un lupanar !
Yvonne :
> > >
Un lupanar ! Grands Dieux, comment est-ce possible ?
> > >
Vous me faites plonger dans un monde indicible,
> > >
Je ne puis y songer sans trembler de dégoût,
> > >
Notre chambre à coucher annexe au «one two two !»
Le général : (qui s’échauffera progressivement)
> > >
Oui, les mœurs d’aujourd’hui connaissent quelque audace,
> > >
La contrainte est bannie et la honte fugace !
> > >
Ce qu’on cachait jadis, on l’étale à présent,
> > >
L’inverti manifeste, et la lesbienne autant !
> > >
On divorce partout : mariage... anachronique !
> > >
Sauf pour certains homos qui, eux, le revendiquent !
> > >
La déviance est très mode et ne fait plus horreur,
> > >
On l’exhibe à tout vent, mieux que Légion d’Honneur :
> > >
Le travelo s’affiche, et le camé ne cesse
> > >
De réclamer sa dose au frais de la princesse !
> > >
Le moindre hurluberlu fait son intéressant,
> > >
Quitte à montrer son cul au regard des passants !...
> > >
À quand le zoophile, à quand le coprophage ?
Yvonne :
> > >
Du calme, mon ami, modérez cet orage !
Le général :
> > >
Mais, mon cœur, laissez-moi m’expliquer plus avant,
> > >
Et vous aurez la clé de cet emportement.
> > >
Si vous aviez pu voir, même de votre rive,
> > >
Ce qu’il m’est advenu juste avant que j’arrive,
> > >
Vous auriez, c’est bien sûr, eut le souffle coupé !
> > >
Je reprends mon discours, où je l’avais laissé :
> > >
Ayant à satiété subi les psychodrames
> > >
Des gauchos, des fachos et de tous ceux qui brament,
> > >
Avant de repartir, j’ai voulu, bon époux,
> > >
Me rendre chez Chaumet vous choisir un bijou
> > >
Sur la place Vendôme. Au pied de la colonne,
> > >
Que vis-je alors, Madame ? En cent, je vous le donne !
> > >
Le sommet, m’a-t-on dit, de l’art contemporain :
> > >
Un enculoir géant en guise de sapin !
> > >
Il m’a fallu trouver le salut dans la fuite
> > >
Pour ne pas m’exposer au viol d’un sodomite !
> > >
Afin qu’il me remonte aussitôt chez les miens,
> > >
J’ai convoqué presto mon bon ange gardien !
> > >
Et c’est ainsi tremblant, et d’horreur et de rage,
> > >
Que vous me revoyez en ces nobles parages.
Yvonne :
> > >
Calmez-vous ! Les Français autrefois ont fait pis !
> > >
Et même en votre temps, vous fûtes déconfit
> > >
Par leur acrimonie et par leur inconstance,
> > >
N’ont-Ils pas, bien des fois, frôlé la décadence ?
> > >
Je me souviens d’un jour où, par eux excédé,
> > >
Vous les aviez traités, je crois, de bovidés ?
Le général :
> > >
C’est possible, en effet, dans un accès de doute
> > >
Où leur grande inertie entravait trop ma route !
> > >
Mais, Madame, aujourd’hui, ils ont fait bien plus fort !
> > >
Les Français sont des veaux, gouvernés par des porcs !
Yvonne :
> > >
Mais vous n’y pouvez rien ! Laissez à Dieu le père
> > >
Le soin de réprimer tous ces coléoptères !
> > >
C’est ainsi et c’est tout ! Le Français, français né,
> > >
Sera toujours paillard et indiscipliné,
> > >
Toujours libidineux, frondeur si nécessaire,
> > >
Arrogant, belliqueux et même téméraire,
> > >
Et cela en dépit de centaines de lois,
> > >
Car s’il n’est plus gaulliste… il demeure gaulois !
Le général : (se levant, plus détendu)
> > >
Oui, vous avez raison, j’ai tort, je m’obnubile
> > >
Et ne fais rien de mieux que m’échauffer la bile,
> > >
Laissons aux successeurs ce monde convulsif...
> > >
Et allons chez Malraux, prendre l’apéritif !
> > >
Bonne lecture !
La colère du Général ou La diatribe du grand Charles
La scène se passe au paradis :
Sur un petit nuage Yvonne tricote, assise sur un pliant.
Elle voit arriver le général, titubant, la mine défaite, prêt à défaillir.
Après quelques pas, il s’effondre à ses côtés dans un fauteuil (ou un transat)
Yvonne :
> > >
Depuis que de Saint Pierre vous eûtes permission
> > >
De retourner sur Terre ausculter la Nation
> > >
Sur ce petit pliant j’attends votre venue...
> > >
Mais je lis dans vos yeux une déconvenue !
> > >
Parlez-moi sans tarder de celle qui toujours
> > >
Fut jadis avec moi l’objet de vos amours...
Le général :
> > >
Vous voulez dire France à qui j’ai voué ma vie,
> > >
Ne cachons point son nom ! Je vous sais gré, Mamie
> > >
(Malgré les embarras, les peines, les tracas
> > >
Qu’elle a pu vous donner et dont je fais grand cas !)
> > >
Pendant aussi longtemps de l’avoir tolérée.
Yvonne :
> > >
Eh bien ?
Le général :
> > >
Eh bien Madame, elle est défigurée !
Yvonne :
> > >
Charles, je compatis, c’est une peine extrême
> > >
De voir les traits meurtris d’une femme qu’on aime
> > >
Elle a vieilli sans doute...
Le général :
> > >
Oh, ce n’est pas cela !
> > >
Il m’en faudrait bien plus pour être en cet état.
> > >
Je ne m’attendais pas à la revoir pucelle !...
> > >
Mais on peut décliner… sans cesser d’être belle !
> > >
Si le corps en hiver n’est plus à son printemps
> > >
L’âme de l’être aimé sait résister au temps !
Yvonne :
> > >
C’est donc son âme ?
Le général :
> > >
Hélas ! Si je n’étais au ciel
> > >
Près de vous, à l’abri des chocs existentiels
> > >
Ce que j’ai vu m’aurait donné le coup de grâce !
Yvonne :
> > >
Mais qu’avez-vous donc vu ? Vos silences me glacent !
Le général :
> > >
France, mère des Arts, des Armes et des Lois...
> > >
Ô Dieu, l’étrange peine ! Et quel affreux émoi !
> > >
Quelle désillusion, quelle désespérance,
> > >
De revoir sa maitresse en telle déshérence !
Yvonne :
> > >
Mais encore, précisez… je reste sur ma faim !
> > >
Vous me turlupinez ! Qu’avez-vous vu enfin ?
Le général :
> > >
J’ai vu, j’ai vu, Oh ciel ! J’ai vu... Comment vous dire...
> > >
Comment bien s’exprimer quand on a vu le pire ?
> > >
J’ai vu le Titanic s’abîmer dans les flots
> > >
Et son grand timonier repeindre les hublots !
> > >
J’ai vu un président, la cravate en goguette,
> > >
L’air niais, regard flou et la mine défaite,
> > >
Un casque sur le chef, juché sur un scooter !
> > >
(On avait dû lui dire : il faut sortir couvert !)
> > >
Vous voyez le tableau ! Oh, madame, j’ai honte
> > >
De certifier pour vrai tout ce que je raconte !
> > >
C’est la chienlit, vous dis-je et pas qu’en les faubourgs !
> > >
Comme ce fut le cas quand nous jouissions du jour
> > >
Mais dans le Saint des Saints, au cœur de l’État même
> > >
Où tout devrait baigner dans un accord extrême.
> > >
J’ai vu des gouvernants qui ne gouvernent rien…
> > >
Et un peuple hébété les traiter de vauriens !
> > >
J’ai vu des ministrons se tirer dans les pattes
> > >
Plus divisés entre eux que ne sont les Carpates !
> > >
J’ai vu, comme jadis, tous ces «politichiens»
> > >
Se disputer leur os, hargneux comme des chiens.
> > >
J’ai vu dans la maison où j’ai régné dix ans
> > >
Un orchestre amateur gratter ses instruments
> > >
Dans la cacophonie ! Et dans ce grand bazar
> > >
Le moindre palotin se prendre pour César :
> > >
L’un fraîchement nommé, jouant les petits saints,
> > >
S’exonérer d’impôts et trouver ça très bien !
> > >
L’autre, obscur conseiller, quérir à son de trompe
> > >
Un larbin stipendié pour lui cirer les pompes !
> > >
Geste surréaliste au temps qui fut le mien !
> > >
Mais j’allais oublier, et là, tenez-vous bien !
> > >
Pour couronner le tout, j’ai vu, (serrez les cuisses !)
> > >
Le gardien du budget planquer son fric en Suisse !
Yvonne :
> > >
N’êtes-vous point sévère avec ces jeunes gens
> > >
Tout fiers d’avoir acquis un certain entregent ?
> > >
Ces nouveaux Rastignac jadis vous faisaient rire
> > >
Et ne vous mettaient pas dans une telle ire !
> > >
Nous connûmes souvent et du temps de nos rois
> > >
Nombre de grands coquins qui s’exemptaient des lois
> > >
Et même pour certains sombraient dans la débauche !
Le général :
> > >
Mais aucun de ceux-là ne se disait de gauche !
> > >
Alors que ces pignoufs, sinistres polissons,
> > >
Se pavanent le jour en donnant des leçons !
> > >
Je me suis renseigné sur l’histoire récente
> > >
Pour comprendre un peu mieux ces façons indécentes,
> > >
Et qu’ai-je appris Grand Dieu ?... Mille calamités
> > >
Sur un gouvernement qui semble tout rater !
> > >
Depuis plus de deux ans, on s’agite, on spécule !
> > >
Ce qu’on avance un jour, ensuite on le recule,
> > >
Dans un rythme effréné qui donne le tournis…
> > >
Ça n’est plus du tango, c’est danse de Saint Guy !
> > >
Le peuple abasourdi par ces folles pratiques
> > >
Ne voit pour l’avenir que funestes musiques !
> > >
Il s’agite à son tour, ployant sous les impôts,
> > >
Résiste à tout diktat, discute à tout propos,
> > >
Tire à hue et à dia et renverse la table !
Yvonne :
> > >
Un peuple ingouverné devient ingouvernable !
Le général :
> > >
Je confirme et j’illustre, écoutez bien ceci,
> > >
C’est un tableau d’en bas que je vous fais ici :
> > >
A-t ’on pris décision dans les formes légales
> > >
Que l’on voit illico se former des cabales !
> > >
L’un met un bonnet rouge et l’autre un bonnet vert
> > >
En prétendant agir au nom de l’Univers !
> > >
Quelques illuminés ou quelques fous furieux
> > >
Hurlent en vomissant des slogans injurieux,
> > >
Pillent les magasins, éructent, gesticulent,
> > >
Cassent trois abribus !... Et le pouvoir recule !!!
Yvonne :
> > >
Mais que fait la Police et que font les Gendarmes ?
Le général :
> > >
Le moins possible hélas ! Ils ont du vague à l’arme !
> > >
Car si par aventure on coffre un malfaisant
> > >
C’est la Garde des Sceaux qui porte les croissants !
> > >
Les socialos naïfs rêvent dans les nuages,
> > >
Se bercent d’illusions dans leurs lits d’enfants sages !
> > >
Confrontés au réel, ancrés dans le déni,
> > >
Ils sont tout étonnés quand ils tombent du nid !
> > >
Les jeunes snobinards, que bobos on appelle,
> > >
Vitupèrent la droite en faisant bien pis qu’elle !
> > >
Les tribuns de la plèbe agitent leurs grelots :
> > >
L’un veut saigner Neuilly pour nourrir le prolo,
> > >
L’autre clame à grands cris qu’il faudrait tout secouer
> > >
En virant les négros, les bicots, les niaquoués !
> > >
Et les deux réunis proposent des programmes
> > >
Qui traduisent à plat leur encéphalogramme.
Yvonne :
> > >
Mais où sont les anciens ? Gaullistes et Cocos !
> > >
Qui, eux, savaient pousser de grands cocoricos !
Le général :
> > >
Leur QG moscovite ayant pété les câbles,
> > >
Les Cocos d’autrefois sont quasi introuvables !
Yvonne :
> > >
Bonne nouvelle, au gué ! Tout espoir n’est pas mort !
> > >
Souvenez-vous du temps où ils étaient si forts !
> > >
Plus de Rouges enfin, en travers de la route !
> > >
Mais la race est teigneuse... il en reste, sans doute ?
Le général :
> > >
Oui, vous avez raison, ce sont de grands pervers...
> > >
Les derniers survivants se font repeindre en vert !
> > >
Quant à nos vieux amis gaullistes de baptême,
> > >
On fleurit leur logis, avec des chrysanthèmes...
> > >
C’est leurs petits-neveux qui piaillent à présent,
> > >
Et se bouffent le nez pour occuper leur temps !
> > >
L’un d’eux, le plus remuant, habile en artifices
> > >
Se débat aujourd’hui dans les Cours de Justice.
> > >
Je crains pour mon malheur, avoir œuvré en vain,
> > >
Mon costume est trop grand pour habiller ces nains !
Yvonne :
> > >
Oubliez tout ceci, laissons la politique
> > >
Qui vous fait enrager et tourner en bourrique.
> > >
Parlons d’autres sujets plus gais et plus légers,
> > >
Des lieux que j’ai connus... Paris a-t’il changé ?
Le général : (redevenant plus calme)
> > >
Heureusement, pas trop. On reconnait la ville,
> > >
J’ai pu me promener jusqu’à St Louis en l’île.
> > >
Pompidou, un peu snob, pour marquer son séjour,
> > >
Fit une usine à gaz au quartier de Beaubourg.
> > >
Giscard n’a rien cassé… c’est déjà quelque chose !
> > >
Mitterrand l’a suivi tenant au poing sa rose !
> > >
Mais lui, plus mégalo, se croyant pharaon
> > >
S’est plu à imiter le roi Toutankhamon.
> > >
Il sema pyramide aux parterres du Louvre,
> > >
C’est l’Égypte à présent qu’en ces lieux on découvre !
> > >
Chirac, plus primitif, a voulu, quai Branly,
> > >
Honorer les Dogons, les Peuls, les Chamboulis
> > >
À leur art, dit premier, il a su rendre hommage,
> > >
Le monument s’efface au milieu des feuillages...
> > >
Je n’ai pas retrouvé les halles de Baltard
> > >
À leur place un chantier avait pris du retard.
> > >
Et quant à l’Élysée où vous fûtes naguère,
> > >
Ce n’est plus un palais… c’est une garçonnière !
> > >
J’ai même cru comprendre, en lisant leurs canards,
> > >
Que peu s’en est fallu qu’il fût un lupanar !
Yvonne :
> > >
Un lupanar ! Grands Dieux, comment est-ce possible ?
> > >
Vous me faites plonger dans un monde indicible,
> > >
Je ne puis y songer sans trembler de dégoût,
> > >
Notre chambre à coucher annexe au «one two two !»
Le général : (qui s’échauffera progressivement)
> > >
Oui, les mœurs d’aujourd’hui connaissent quelque audace,
> > >
La contrainte est bannie et la honte fugace !
> > >
Ce qu’on cachait jadis, on l’étale à présent,
> > >
L’inverti manifeste, et la lesbienne autant !
> > >
On divorce partout : mariage... anachronique !
> > >
Sauf pour certains homos qui, eux, le revendiquent !
> > >
La déviance est très mode et ne fait plus horreur,
> > >
On l’exhibe à tout vent, mieux que Légion d’Honneur :
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Le travelo s’affiche, et le camé ne cesse
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De réclamer sa dose au frais de la princesse !
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Le moindre hurluberlu fait son intéressant,
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Quitte à montrer son cul au regard des passants !...
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À quand le zoophile, à quand le coprophage ?
Yvonne :
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Du calme, mon ami, modérez cet orage !
Le général :
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Mais, mon cœur, laissez-moi m’expliquer plus avant,
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Et vous aurez la clé de cet emportement.
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Si vous aviez pu voir, même de votre rive,
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Ce qu’il m’est advenu juste avant que j’arrive,
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Vous auriez, c’est bien sûr, eut le souffle coupé !
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Je reprends mon discours, où je l’avais laissé :
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Ayant à satiété subi les psychodrames
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Des gauchos, des fachos et de tous ceux qui brament,
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Avant de repartir, j’ai voulu, bon époux,
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Me rendre chez Chaumet vous choisir un bijou
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Sur la place Vendôme. Au pied de la colonne,
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Que vis-je alors, Madame ? En cent, je vous le donne !
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Le sommet, m’a-t-on dit, de l’art contemporain :
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Un enculoir géant en guise de sapin !
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Il m’a fallu trouver le salut dans la fuite
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Pour ne pas m’exposer au viol d’un sodomite !
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Afin qu’il me remonte aussitôt chez les miens,
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J’ai convoqué presto mon bon ange gardien !
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Et c’est ainsi tremblant, et d’horreur et de rage,
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Que vous me revoyez en ces nobles parages.
Yvonne :
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Calmez-vous ! Les Français autrefois ont fait pis !
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Et même en votre temps, vous fûtes déconfit
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Par leur acrimonie et par leur inconstance,
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N’ont-Ils pas, bien des fois, frôlé la décadence ?
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Je me souviens d’un jour où, par eux excédé,
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Vous les aviez traités, je crois, de bovidés ?
Le général :
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C’est possible, en effet, dans un accès de doute
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Où leur grande inertie entravait trop ma route !
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Mais, Madame, aujourd’hui, ils ont fait bien plus fort !
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Les Français sont des veaux, gouvernés par des porcs !
Yvonne :
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Mais vous n’y pouvez rien ! Laissez à Dieu le père
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Le soin de réprimer tous ces coléoptères !
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C’est ainsi et c’est tout ! Le Français, français né,
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Sera toujours paillard et indiscipliné,
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Toujours libidineux, frondeur si nécessaire,
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Arrogant, belliqueux et même téméraire,
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Et cela en dépit de centaines de lois,
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Car s’il n’est plus gaulliste… il demeure gaulois !
Le général : (se levant, plus détendu)
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Oui, vous avez raison, j’ai tort, je m’obnubile
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Et ne fais rien de mieux que m’échauffer la bile,
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Laissons aux successeurs ce monde convulsif...
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Et allons chez Malraux, prendre l’apéritif !
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