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le grand Charles ...

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Message  dilan Sam 16 Mai 2015, 15:42

laissez votre imagination vagabonder en revoyant LE GRAND CHARLES devant TANTE YVONNE.



Bonne lecture !



La colère du Général ou La diatribe du grand Charles


La scène se passe au paradis :

Sur un petit nuage Yvonne tricote, assise sur un pliant.

Elle voit arriver le général, titubant, la mine défaite, prêt à défaillir.

Après quelques pas, il s’effondre à ses côtés dans un fauteuil (ou un transat)



Yvonne :
> > >

Depuis que de Saint Pierre vous eûtes permission
> > >

De retourner sur Terre ausculter la Nation
> > >

Sur ce petit pliant j’attends votre venue...
> > >

Mais je lis dans vos yeux une déconvenue !
> > >

Parlez-moi sans tarder de celle qui toujours
> > >

Fut jadis avec moi l’objet de vos amours...




Le général :
> > >

Vous voulez dire France à qui j’ai voué ma vie,
> > >

Ne cachons point son nom ! Je vous sais gré, Mamie
> > >

(Malgré les embarras, les peines, les tracas
> > >

Qu’elle a pu vous donner et dont je fais grand cas !)
> > >

Pendant aussi longtemps de l’avoir tolérée.




Yvonne :
> > >

Eh bien ?



Le général :
> > >

Eh bien Madame, elle est défigurée !



Yvonne :
> > >

Charles, je compatis, c’est une peine extrême
> > >

De voir les traits meurtris d’une femme qu’on aime
> > >

Elle a vieilli sans doute...



Le général :
> > >

Oh, ce n’est pas cela !
> > >

Il m’en faudrait bien plus pour être en cet état.
> > >

Je ne m’attendais pas à la revoir pucelle !...
> > >

Mais on peut décliner… sans cesser d’être belle !
> > >

Si le corps en hiver n’est plus à son printemps
> > >

L’âme de l’être aimé sait résister au temps !



Yvonne :
> > >

C’est donc son âme ?



Le général :
> > >

Hélas ! Si je n’étais au ciel
> > >

Près de vous, à l’abri des chocs existentiels
> > >

Ce que j’ai vu m’aurait donné le coup de grâce !



Yvonne :
> > >

Mais qu’avez-vous donc vu ? Vos silences me glacent !



Le général :
> > >

France, mère des Arts, des Armes et des Lois...
> > >

Ô Dieu, l’étrange peine ! Et quel affreux émoi !
> > >

Quelle désillusion, quelle désespérance,
> > >

De revoir sa maitresse en telle déshérence !



Yvonne :
> > >

Mais encore, précisez… je reste sur ma faim !
> > >

Vous me turlupinez ! Qu’avez-vous vu enfin ?



Le général :
> > >

J’ai vu, j’ai vu, Oh ciel ! J’ai vu... Comment vous dire...
> > >

Comment bien s’exprimer quand on a vu le pire ?
> > >

J’ai vu le Titanic s’abîmer dans les flots
> > >

Et son grand timonier repeindre les hublots !
> > >

J’ai vu un président, la cravate en goguette,
> > >

L’air niais, regard flou et la mine défaite,
> > >

Un casque sur le chef, juché sur un scooter !
> > >

(On avait dû lui dire : il faut sortir couvert !)
> > >

Vous voyez le tableau ! Oh, madame, j’ai honte
> > >

De certifier pour vrai tout ce que je raconte !
> > >

C’est la chienlit, vous dis-je et pas qu’en les faubourgs !
> > >

Comme ce fut le cas quand nous jouissions du jour
> > >

Mais dans le Saint des Saints, au cœur de l’État même
> > >

Où tout devrait baigner dans un accord extrême.
> > >

J’ai vu des gouvernants qui ne gouvernent rien…
> > >

Et un peuple hébété les traiter de vauriens !
> > >

J’ai vu des ministrons se tirer dans les pattes
> > >

Plus divisés entre eux que ne sont les Carpates !
> > >

J’ai vu, comme jadis, tous ces «politichiens»
> > >

Se disputer leur os, hargneux comme des chiens.
> > >

J’ai vu dans la maison où j’ai régné dix ans
> > >

Un orchestre amateur gratter ses instruments
> > >

Dans la cacophonie ! Et dans ce grand bazar
> > >

Le moindre palotin se prendre pour César :
> > >

L’un fraîchement nommé, jouant les petits saints,
> > >

S’exonérer d’impôts et trouver ça très bien !
> > >

L’autre, obscur conseiller, quérir à son de trompe
> > >

Un larbin stipendié pour lui cirer les pompes !
> > >

Geste surréaliste au temps qui fut le mien !
> > >

Mais j’allais oublier, et là, tenez-vous bien !
> > >

Pour couronner le tout, j’ai vu, (serrez les cuisses !)
> > >

Le gardien du budget planquer son fric en Suisse !



Yvonne :
> > >

N’êtes-vous point sévère avec ces jeunes gens
> > >

Tout fiers d’avoir acquis un certain entregent ?
> > >

Ces nouveaux Rastignac jadis vous faisaient rire
> > >

Et ne vous mettaient pas dans une telle ire !
> > >

Nous connûmes souvent et du temps de nos rois
> > >

Nombre de grands coquins qui s’exemptaient des lois
> > >

Et même pour certains sombraient dans la débauche !



Le général :
> > >

Mais aucun de ceux-là ne se disait de gauche !
> > >

Alors que ces pignoufs, sinistres polissons,
> > >

Se pavanent le jour en donnant des leçons !
> > >

Je me suis renseigné sur l’histoire récente
> > >

Pour comprendre un peu mieux ces façons indécentes,
> > >

Et qu’ai-je appris Grand Dieu ?... Mille calamités
> > >

Sur un gouvernement qui semble tout rater !
> > >

Depuis plus de deux ans, on s’agite, on spécule !
> > >

Ce qu’on avance un jour, ensuite on le recule,
> > >

Dans un rythme effréné qui donne le tournis…
> > >

Ça n’est plus du tango, c’est danse de Saint Guy !
> > >

Le peuple abasourdi par ces folles pratiques
> > >

Ne voit pour l’avenir que funestes musiques !
> > >

Il s’agite à son tour, ployant sous les impôts,
> > >

Résiste à tout diktat, discute à tout propos,
> > >

Tire à hue et à dia et renverse la table !



Yvonne :
> > >

Un peuple ingouverné devient ingouvernable !



Le général :
> > >

Je confirme et j’illustre, écoutez bien ceci,
> > >

C’est un tableau d’en bas que je vous fais ici :
> > >

A-t ’on pris décision dans les formes légales
> > >

Que l’on voit illico se former des cabales !
> > >

L’un met un bonnet rouge et l’autre un bonnet vert
> > >

En prétendant agir au nom de l’Univers !
> > >

Quelques illuminés ou quelques fous furieux
> > >

Hurlent en vomissant des slogans injurieux,
> > >

Pillent les magasins, éructent, gesticulent,
> > >

Cassent trois abribus !... Et le pouvoir recule !!!



Yvonne :
> > >

Mais que fait la Police et que font les Gendarmes ?



Le général :
> > >

Le moins possible hélas ! Ils ont du vague à l’arme !
> > >

Car si par aventure on coffre un malfaisant
> > >

C’est la Garde des Sceaux qui porte les croissants !
> > >

Les socialos naïfs rêvent dans les nuages,
> > >

Se bercent d’illusions dans leurs lits d’enfants sages !
> > >

Confrontés au réel, ancrés dans le déni,
> > >

Ils sont tout étonnés quand ils tombent du nid !
> > >

Les jeunes snobinards, que bobos on appelle,
> > >

Vitupèrent la droite en faisant bien pis qu’elle !
> > >

Les tribuns de la plèbe agitent leurs grelots :
> > >

L’un veut saigner Neuilly pour nourrir le prolo,
> > >

L’autre clame à grands cris qu’il faudrait tout secouer
> > >

En virant les négros, les bicots, les niaquoués !
> > >

Et les deux réunis proposent des programmes
> > >

Qui traduisent à plat leur encéphalogramme.



Yvonne :
> > >

Mais où sont les anciens ? Gaullistes et Cocos !
> > >

Qui, eux, savaient pousser de grands cocoricos !



Le général :
> > >

Leur QG moscovite ayant pété les câbles,
> > >

Les Cocos d’autrefois sont quasi introuvables !



Yvonne :
> > >

Bonne nouvelle, au gué ! Tout espoir n’est pas mort !
> > >

Souvenez-vous du temps où ils étaient si forts !
> > >

Plus de Rouges enfin, en travers de la route !
> > >

Mais la race est teigneuse... il en reste, sans doute ?



Le général :
> > >

Oui, vous avez raison, ce sont de grands pervers...
> > >

Les derniers survivants se font repeindre en vert !
> > >

Quant à nos vieux amis gaullistes de baptême,
> > >

On fleurit leur logis, avec des chrysanthèmes...
> > >

C’est leurs petits-neveux qui piaillent à présent,
> > >

Et se bouffent le nez pour occuper leur temps !
> > >

L’un d’eux, le plus remuant, habile en artifices
> > >

Se débat aujourd’hui dans les Cours de Justice.
> > >

Je crains pour mon malheur, avoir œuvré en vain,
> > >

Mon costume est trop grand pour habiller ces nains !



Yvonne :
> > >

Oubliez tout ceci, laissons la politique
> > >

Qui vous fait enrager et tourner en bourrique.
> > >

Parlons d’autres sujets plus gais et plus légers,
> > >

Des lieux que j’ai connus... Paris a-t’il changé ?



Le général : (redevenant plus calme)
> > >

Heureusement, pas trop. On reconnait la ville,
> > >

J’ai pu me promener jusqu’à St Louis en l’île.
> > >

Pompidou, un peu snob, pour marquer son séjour,
> > >

Fit une usine à gaz au quartier de Beaubourg.
> > >

Giscard n’a rien cassé… c’est déjà quelque chose !
> > >

Mitterrand l’a suivi tenant au poing sa rose !
> > >

Mais lui, plus mégalo, se croyant pharaon
> > >

S’est plu à imiter le roi Toutankhamon.
> > >

Il sema pyramide aux parterres du Louvre,
> > >

C’est l’Égypte à présent qu’en ces lieux on découvre !
> > >

Chirac, plus primitif, a voulu, quai Branly,
> > >

Honorer les Dogons, les Peuls, les Chamboulis
> > >

À leur art, dit premier, il a su rendre hommage,
> > >

Le monument s’efface au milieu des feuillages...
> > >

Je n’ai pas retrouvé les halles de Baltard
> > >

À leur place un chantier avait pris du retard.
> > >

Et quant à l’Élysée où vous fûtes naguère,
> > >

Ce n’est plus un palais… c’est une garçonnière !
> > >

J’ai même cru comprendre, en lisant leurs canards,
> > >

Que peu s’en est fallu qu’il fût un lupanar !


Yvonne :
> > >

Un lupanar ! Grands Dieux, comment est-ce possible ?
> > >

Vous me faites plonger dans un monde indicible,
> > >

Je ne puis y songer sans trembler de dégoût,
> > >

Notre chambre à coucher annexe au «one two two !»


Le général : (qui s’échauffera progressivement)
> > >

Oui, les mœurs d’aujourd’hui connaissent quelque audace,
> > >

La contrainte est bannie et la honte fugace !
> > >

Ce qu’on cachait jadis, on l’étale à présent,
> > >

L’inverti manifeste, et la lesbienne autant !
> > >

On divorce partout : mariage... anachronique !
> > >

Sauf pour certains homos qui, eux, le revendiquent !
> > >

La déviance est très mode et ne fait plus horreur,
> > >

On l’exhibe à tout vent, mieux que Légion d’Honneur :
> > >

Le travelo s’affiche, et le camé ne cesse
> > >

De réclamer sa dose au frais de la princesse !
> > >

Le moindre hurluberlu fait son intéressant,
> > >

Quitte à montrer son cul au regard des passants !...
> > >

À quand le zoophile, à quand le coprophage ?


Yvonne :
> > >

Du calme, mon ami, modérez cet orage !



Le général :
> > >

Mais, mon cœur, laissez-moi m’expliquer plus avant,
> > >

Et vous aurez la clé de cet emportement.
> > >

Si vous aviez pu voir, même de votre rive,
> > >

Ce qu’il m’est advenu juste avant que j’arrive,
> > >

Vous auriez, c’est bien sûr, eut le souffle coupé !
> > >

Je reprends mon discours, où je l’avais laissé :
> > >

Ayant à satiété subi les psychodrames
> > >

Des gauchos, des fachos et de tous ceux qui brament,
> > >

Avant de repartir, j’ai voulu, bon époux,
> > >

Me rendre chez Chaumet vous choisir un bijou
> > >

Sur la place Vendôme. Au pied de la colonne,
> > >

Que vis-je alors, Madame ? En cent, je vous le donne !
> > >

Le sommet, m’a-t-on dit, de l’art contemporain :
> > >

Un enculoir géant en guise de sapin !
> > >

Il m’a fallu trouver le salut dans la fuite
> > >

Pour ne pas m’exposer au viol d’un sodomite !
> > >

Afin qu’il me remonte aussitôt chez les miens,
> > >

J’ai convoqué presto mon bon ange gardien !
> > >

Et c’est ainsi tremblant, et d’horreur et de rage,
> > >

Que vous me revoyez en ces nobles parages.



Yvonne :
> > >

Calmez-vous ! Les Français autrefois ont fait pis !
> > >

Et même en votre temps, vous fûtes déconfit
> > >

Par leur acrimonie et par leur inconstance,
> > >

N’ont-Ils pas, bien des fois, frôlé la décadence ?
> > >

Je me souviens d’un jour où, par eux excédé,
> > >

Vous les aviez traités, je crois, de bovidés ?


Le général :
> > >

C’est possible, en effet, dans un accès de doute
> > >

Où leur grande inertie entravait trop ma route !
> > >

Mais, Madame, aujourd’hui, ils ont fait bien plus fort !
> > >

Les Français sont des veaux, gouvernés par des porcs !


Yvonne :
> > >

Mais vous n’y pouvez rien ! Laissez à Dieu le père
> > >

Le soin de réprimer tous ces coléoptères !
> > >

C’est ainsi et c’est tout ! Le Français, français né,
> > >

Sera toujours paillard et indiscipliné,
> > >

Toujours libidineux, frondeur si nécessaire,
> > >

Arrogant, belliqueux et même téméraire,
> > >

Et cela en dépit de centaines de lois,
> > >

Car s’il n’est plus gaulliste… il demeure gaulois !



Le général : (se levant, plus détendu)
> > >

Oui, vous avez raison, j’ai tort, je m’obnubile
> > >

Et ne fais rien de mieux que m’échauffer la bile,
> > >

Laissons aux successeurs ce monde convulsif...
> > >

Et allons chez Malraux, prendre l’apéritif !
> > >


dilan
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