Ce soir elle irait danser

CE SOIR ELLE IRAIT DANSER

Marie regardait par la fenêtre ce jour d’hiver.
Le ciel était brouillé et d’un noir de suie sale
Et les fumées, poussées par un vent de travers,
souillaient un peu plus le dôme de la capitale

Paris prenait son odeur âcre de nuit et allumait
les taches rondes des becs de gaz qui scintillaient,
semblables à des étoiles figées, d’une pâle lumière,
qui, dans le lointain , devenaient qu’infime poussière

Les quais, avec leur double rang de perles lumineuses,
doublaient la Seine d’un ruban serpentin et moiré,
et le fleuve, recouvert de fines strates brumeuses,
voyait sur ses eaux des bateaux lentement passer

Marie retourna à sa toile inachevée et éclaira la pièce,
prit ses pinceaux, ses pastels doux et cligna des yeux.
L’on vit bientôt naître des couleurs pleines de tendresse
et des femmes fragiles aux lisses visages gracieux

Marie Laurencin, était jeune belle et amoureuse
Ce soir tard, elle irait danser au bateau-lavoir et rirait
Avec les artistes, les poètes, et leur vie aventureuse,
Leurs amours effrénés, leurs talents, la feraient rêver