Bas les masques...

TITEFEE Lun 01 Fév 2010, 19:30

Venise s’enivrait sous le velours des masques,
Les venelles s’enflaient de tourbillons fantasques,
Rondes et défilé animaient sous le fard
Des visages flétris, au teint souvent blafard.
Par la fente du loup, au regard qui affleure,
L’éclair de diamant, bien plus puissant qu’un leurre,
Décochait une œillade à l’éclat indiscret,
D’un bien ardent désir, gardant mal le secret
Des ces amours d’un jour, quand frissonnant de joie,
Féminin ou viril, le plaisir y flamboie

Sous le pont des soupirs montait un air malsain
D’égouts et de dégoût mêlés encore au sien,
Quand elle distingua le chant d’une voix rauque,
Poussant le bel canto, mais qui rit et se moque
Des amours de hasard, et elle reconnait
Cet arlequin railleur qui se tient en retrait.
Il s’est juché très haut, pour dominer la foule
Et scrute intensément, d’où le peuple déboule
- « Ce peut-il être lui, dans cet habit vieillot ? »
Pense Colombine aux lèvres rouge caillot

Renait alors la nuit, où jouant l’ingénue
Les doigts affriolants caressaient sa peau nue.
Froissant le taffetas de son large jupon,
L’homme masqué défit son corset à pompon,
Libérant ses deux seins, qu’avec sa gaucherie
Elle lui dérobait avec coquetterie.
Il embrassait sa chair, tout en entreprenant
De défaire les liens du corset contraignant.
Quand il y arriva, il enserra sa taille
La serrant contre lui, dans la tendre bataille.

Elle s’ouvrit alors sans besoin d’un débat,
Et sa pudeur bien sûr, en perdit le combat.
Ils s’aimèrent deux nuits sans sortir de la chambre,
En ne buvant à deux que ce vin couleur d’ambre.
Dans le tourbillon froid des draps de satin noir,
Et ils renouvelaient, dès les heures du soir,
Ces joutes bien souvent jusqu’à l’aube vermeille.
Mais le dernier grand bal s’était éteint la veille
Le vent tourbillonnant poussait dans le canal
Confettis colorés dans le froid hivernal

Que du temps est passé depuis cette aventure !
Elle avait consenti malgré la flétrissure,
A dire un oui, hélas à un très vieux barbon,
Qui lui fit des enfants et lui donna son nom,
Mais la gueuse courait, dédaignant sa demeure
Pour séduire putain, adulte ou bien mineure.
Il mourut un beau soir, affalé sur le corps
D’une sombre catin et le lit pour décor.

Ces images, soudain, d’un seul coup s’estompèrent
Quand les mains d’Arlequin enfin la détrompèrent.
Lui faisant face alors, elle avait reconnu
Sous son déguisement son lointain inconnu.
Il l’avait tant cherché sous les brillants costumes,
Dans le froid février, qui recouvrait de brumes
La place Saint Marc où ils s’étaient aperçus
Mais depuis sans espoir, il revenait déçu.
-« Est-ce vous sous ce masque, oh dites moi madame,
Est-ce vous ? Mon cœur bat, tout mon sang est en flamme. !
N’enlevons pas nos loups, aimons-nous simplement
Comme hier au grand jour, sans cet accoutrement. »