L'âme du peintre ( haîbun)

Mai se meurt en pleurs de pétales légers comme des envols de papillons. Le soleil commence à prendre de la puissance et rend le paysage verdoyant encore plus acide.

Dos vert arrondi
Le pont se mire dans l'eau
Reflétant le ciel.

Giverny s'enchâsse dans un écrin de verdure. J'ai l'impression étrange de côtoyer ici l'âme de Monet . Cette palette de couleurs qui s'offre à mes yeux est la même qu'il couchait sur ses toiles.

Le vent dans les branches
Éclabousse de soleil
L'ombrage mouvant

Appuyée sur la rambarde de bois, je ferme les yeux. Me parviennent alors les bruits et les odeurs occultés par la vision qui domine mes sens. Je m'isole à l'intérieur de moi, pour accueillir la sensation souvent éprouvée de la vacuité.

Discrète rumeur
à mon oreille vrombit
le vol des abeilles.

La vie palpite autour de moi et ce que mes yeux me cachaient je le sens, je le hume, je le perçois par mes canaux sensoriels ouverts à cette découverte.

Clair miroir stagnant
Odeur de menthe poivrée
De vase putride.

Les eaux dormantes immortalisées par le Peintre, viennent s'interposer sur l'écran bombé de mes paupières. Je sens presque l'odeur de l'éclatement symphonique du jaune citron, des verts spéciaux aux tons acidulés, rouges onctueux, comme taches de sang et ce violacé des ombres oubliant le noir.

Divine Audience
D'une présence palpable
Appel entendu.

J'éprouve l'angoisse de Monet qui ne peut plus voir ses harmonies de couleurs.. Tout est bleu ou bien rouge, car sa vision s'éteint. l'Effacement des perspectives lui fait perdre cette sensation du relief qui apportait la profondeur à ses toiles anciennes. La terreur de l'artiste devant cette maladie lui retirant la joie de reproduire la beauté devient palpable en moi. J'ouvre alors les yeux pour offrir à son âme le désir de terminer son tout dernier tableau, abandonné au grenier, inachevé...inutile.

tu versifies "HAÏBUN" comme une experte... du moins ça sonne bien à ma lecture et le ""film"" est bien vivant ...